Le financement de la recherche universitaire au Québec: évolution et enjeux

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La recherche occupe une place considérable dans la mission universitaire et dans la tâche professorale. En contexte de diminution du financement alloué au fonctionnement et aux immobilisations, les activités de recherche permettent aux universités d’accroître leur budget global. Dans la foulée, la recherche est devenue le marqueur de distinction et de visibilité internationale des établissements, entrainant une compétition féroce pour décro­cher ces ressources additionnelles et attirer les professeurs les plus financés.

Ce document, qui s’appuie principalement sur les données du Système d’information sur la recherche universitaire (SIRU) de 2003- 2004 à 2009-2010, offre une vue d’ensemble du financement externe global de la recher­che dans les universités québécoises. Au cours de cette période, ce financement a diminué, en dollars constants de 2009-2010, passant de 1,54 à 1,45 milliard de dollars, alors que le nombre de professeurs augmen­tait de 9,34 %. Le budget de recherche moyen par professeur a donc diminué de 15 % au cours de la période étudiée. Un examen de l’évolution des sources de financement et de la concentration des fonds par établisse­ment, par discipline et par projet pendant ces sept ans permet en outre de dégager plusieurs autres constats.

Bien que la diminution globale des fonds de recherche disponibles soit inquiétante, c’est leur concentration qui rend la situation d’autant plus alarmante. Au cours de la période étudiée, les universités dotées d’une faculté de médecine, soit l’Université Laval, l’Université de Montréal, l’Université McGill et l’Université de Sherbrooke, recevaient plus de 75 % des fonds alloués à la recherche, alors qu’elles employaient 60 % du corps professoral québécois.

Une concentration des fonds en fonction des grands champs disciplinaires de recherche est aussi observable. De 2003-2004 à 2009- 2010, 33 % des fonds sont consacrés aux sciences pures et appliquées, de 39 à 46,5 % des fonds vont aux sciences de la santé, tandis que les sciences humaines et sociales se répartissent de 12,5 à 17 % de l’enveloppe. Cela est préoccupant, dans la mesure où de 70 à 85 % des subventions de recherche servent à embaucher des étudiants des cycles supérieurs et des professionnels de recherche, et que les arts, lettres, sciences humaines et sociales attirent 55 % de ces effectifs étudiants en équivalence au temps plein (EEETP) aux cycles supérieurs. C’est donc dire que la concentration des fonds vers la santé et les sciences pures et appliquées s’accompagne d’une difficulté accrue à former la relève en arts, lettres, sciences humaines et sociales.

Un troisième effet de concentration est observable lorsqu’on considère l’ensemble du fi­nancement de la recherche exogène alloué aux professeurs du Québec. En 2009-2010, 10 % des projets retenus ont accaparé près de 60 % du financement disponible (855 mil­lions de dollars) tandis que les autres 90 % ont reçu la part congrue des fonds (595 millions de dollars). De plus, notons que le choix d’allouer des subventions plus généreuses à une minorité de professeurs a aussi pour effet de réduire le taux de succès aux concours des organismes subventionnaires publics.

La FQPPU est d’avis que cette stratégie est contre-productive pour la société québécoise, puisque nombre de chercheurs de talents gaspillent du temps et des ressources précieuses à remplir des demandes de subven­tions qui sont ensuite reléguées aux oubliettes. La Fédération recommande que, pour contrer les effets de la concentration institutionnelle, disciplinaire et par projet, une subvention uni­verselle de recherche soit ajoutée au fonds de fonctionnement des établissements et versée annuellement à chaque professeur. Cette subvention de l’ordre de 10 000 $, essentiel­lement destinée à l’embauche d’étudiants et de professionnels de recherche sur une base continue, assurerait à chaque professeur une activité permanente de recherche qui non seulement permettrait de faire avancer les connaissances, mais également de renforcer la composante enseignement de la tâche pro­fessorale. Cette mesure, qui nécessiterait un effort supplémentaire de 100 millions de dol­lars de la part du gouvernement du Québec, ne représenterait qu’une hausse de moins de 2 % du budget annuel de fonctionnement des universités.

En ce qui a trait aux sources de financement, nous constatons que de 2003-2004 à 2009- 2010, près de la moitié du financement de la recherche provenait du gouvernement fédéral. D’emblée, il est ironique de constater que le gouvernement du Québec se désengage dans l’un de ses champs de compétence. De sur­croît, le fait que le gouvernement fédéral ait eu recours, ces dernières années, à un finance­ment presque uniquement ciblé vers les besoins des entreprises plaide en faveur d’un rééquilibrage. La meilleure garantie que la recherche au Québec se porte mieux est que le gouvernement québécois s’engage à at­teindre l’objectif de 3 % du produit intérieur brut (PIB) consacré à la recherche et à l’innovation qu’il s’est fixé en 2013.

Par ailleurs, le désengagement du secteur privé dans le financement de la recherche au Québec, dont la part est passée de 19,9 % à 17,5 % au cours de la période étudiée, témoigne de l’échec de la stratégie de stimulation de l’investissement privé par l’injection de fonds publics en recherche et développement (R et D). Si le secteur des sciences de la santé fait office d’exception, le secteur privé ayant contribué à hauteur de 31 % de l’enveloppe pour la recherche dans cette discipline, c’est que des profits y sont plus directement envisageables. Cela plaide donc pour qu’une part accrue du financement de la recherche par le privé soit réalisée par l’entremise de la fiscalité, ceci afin de mieux répartir les som­mes ainsi dégagées parmi les différents champs disciplinaires.

Enfin, si ce rapport traite d’abord et avant tout de financement de la recherche, un rappel nécessaire s’impose en ce qui a trait au respect de la liberté académique. Les professeurs doivent être libres de mener les recherches qu’ils estiment pertinentes et de publier leurs résultats sans contrainte, peu importe la source du financement qu’ils reçoivent. De plus, leur travail doit pouvoir s’effectuer en toute indépendance face aux groupes de pres­sion et d’intérêts particuliers, aux églises, aux gouvernements et aux pouvoirs financiers.

This content has been updated on 17 October 2022 at 14 h 43 min.