Gouverner la sélection scolaire par un instrument : le cas de la « cote de rendement au collégial » des universités québécoises

La cote de rendement au collégial (CRC) est la pierre angulaire de la gouvernance de la sélection à l’entrée à l’université au Québec. En s’inscrivant dans la perspective de la sociologie de la quantification et dans celle de la sociopolitique de l’instrumentation de l’action publique, cet article vise à saisir le contexte sociohistorique qui a conduit au choix de la CRC, les discours qui justifient ce choix et les conceptions de l’équité qui sous-tendent son usage. L’article s’appuie sur une analyse des documents d’action publique produits depuis la création des cégeps ainsi que sur une analyse des propriétés mathématiques de la CRC. Il montre une double transformation de la gouvernance de la sélection, qui tend de plus en plus à réduire le principe d’équité à un choix technique et à donner du poids à la force du groupe collégial plutôt qu’au rang. L’analyse des propriétés mathématiques de la CRC confirme que, loin d’être neutre, cet instrument de sélection repose sur une conception de l’équité selon laquelle le passé des étudiant∙es inscrit∙es dans des groupes homogènes forts au collégial serait garant de leur avenir en matière de réussite scolaire. Dans un contexte de hiérarchisation et de compétition des établissements collégiaux, cet instrument conduit in fine à un double standard d’évaluation et renforce ultimement les inégalités sociales d’accès à l’université.

Ce contenu a été mis à jour le 19 décembre 2022 à 11 h 44 min.