Troubles dans l’ethos scientifique. Retours sur « l’affaire Voinnet »

Depuis une quinzaine d’années, de plus en plus d’acteurs du champ scientifique (chercheurs, revues, universités, comités, etc.) militent pour l’instauration et l’application de normes d’intégrité diverses destinées à réformer et à encadrer l’activité scientifique. De nombreux codes de conduite ont ainsi vu le jour, que l’on pense à la Charte européenne du chercheur (2005), à la Déclaration de Montréal sur l’intégrité de la recherche collaborative transfrontalière (2013), ou encore à la Déclaration de Bruxelles adoptée lors du congrès annuel de l’American Association for the Advancement of Science (2017). Des structures bureaucratiques ont été également mises en place, afin de juguler les débordements de moins en moins anecdotiques et toujours plus visibles dans l’espace public de la « mauvaise science ». C’est le cas de l’Office français de l’intégrité scientifique (OFIS), créé en mars 2017 au sein du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, suite aux recommandations du rapport que Pierre Corvol a remis en juin 2016 au secrétaire d’État à l’Enseignement supérieur et la Recherche Thierry Mandon. La vocation de l’OFIS est d’« accompagner la communauté scientifique dans la promotion de l’intégrité », par l’édiction de chartes de bonnes pratiques et l’animation d’un réseau de « référents » dans les organismes de recherche. Ces actions institutionnelles révèlent la manière dont les organisations dominantes de la science entreprennent de se corriger en s’employant à marginaliser les diverses formes d’inconduite scientifique et de manquement à l’intégrité. Cet affichage « opérationnel » de la valorisation de l’intégrité peut en outre s’appuyer sur un corpus de savoirs théoriques et appliqués rassemblés sous le la bel d’« éthique de la science ». Mais les chercheuses et chercheurs n’ont certes pas attendu que les institutions décident d’intervenir sur ces questions sensibles touchant au cœur de l’activité scientifique. En parallèle, de nouveaux modes d’évaluation du savoir intervenant après publication sont ainsi apparus, que l’on pense au travail réalisé par les sites collaboratifs RetractionWatch ou Pub- Peer. Les pratiques de rectification et de relecture ad hoc de ces « chiens de garde de la science » interrogent radicalement l’institution que constitue l’évaluation par les pairs, et pour cette raison continuent de susciter des controverses nourries.

Ce contenu a été mis à jour le 29 octobre 2019 à 9 h 19 min.