Georges Canguilhem et «le problème de l’évolution»

Ce texte concerne la place de la théorie de l’évolution dans l’argumentaire de l’Essai sur quelques problèmes concernant le normal et le pathologique. Après avoir rappelé l’importance de la pensée biologique en général dans l’oeuvre du philosophe et survolé ses premières « études évolutionnistes », l’article analyse le « problème de l’évolution », tel qu’examiné par Canguilhem lors d’un cours en 1942-1943 à la faculté des lettres de l’université de Strasbourg. Demeuré inédit, ce cours intitulé « La biologie » complète celui sur « Les normes et le normal » et montre que le philosophe était moins préoccupé par la question de l’hérédité de l’acquis que par la  démonstration scientifique du rôle des mutations dans la genèse des espèces. En effet, si la mutation n’est pas de facto létale ou sub-pathologique, comme le croient habituellement les biologistes d’orientation « fixiste », mais apte à donner naissance à de nouvelles formes de vie, c’est la preuve que « l’anomalie » ne doit pas être tenue d’emblée pour anormale. L’examen successif des théories évolutionnistes conduit cependant Canguilhem à reconnaître qu’à lui seul, le mutationnisme échoue à rendre compte de « l’orientation adaptative » des vivants ; d’où l’évocation du principe darwinien de sélection naturelle pour expliquer l’adaptation au milieu. Souvent décrite comme un processus conservateur du « type moyen » dans une population, la sélection apparaît cependant inadéquate à expliquer la production de la nouveauté en biologie. Afin de lever cette objection, Canguilhem fait appel aux travaux de Georges Teissier qui montrent que la sélection peut se révéler « créatrice » lorsque les conditions extérieures changent. Teissier apporte également au philosophe des éléments d’analyse qui appuient la thèse de la non-indifférence du vivant au milieu, fondement de la « normativité vitale » et point de départ de la philosophie biologique canguilhémienne.

Ce contenu a été mis à jour le 9 juillet 2019 à 16 h 30 min.