Statistique du Nouveau Monde et nouveaux terrains de la statistique

Mettre en parallèle, en remontant si possible loin dans le temps, la production et l’usage du chiffre dans des univers différents pour aboutir à une histoire croisée des expériences statistiques figure parmi les rêves caressés par bien des historiens de la statistique. Alain Desrosières avait rassemblé dans son bureau de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) un nombre assez impressionnant d’histoires nationales de la statistique et il a bâti son maître livre, La politique des grands nombres. Histoire de la raison statistique, publié en 1993, autour des cas français, allemand, britannique et américain. Une telle comparaison était alors possible du fait de l’existence d’études nationales érudites pour ces grands pays et non seulement, comme c’était assez souvent le cas à cette époque pour bien d’autres pays, d’histoires « maison ». Dans les trente dernières années, le projet d’une vaste comparaison internationale est devenu moins utopique. L’histoire de la statistique pratiquée dans les milieux universitaires, celle des bureaux et systèmes statistiques comme celle des pratiques et politiques statistiques ou encore celle des formalismes tirés de la mathématique et du calcul des probabilités et de leurs usages, ou même celle des échanges « statistiques » internationaux, a connu un développement significatif en Europe et en Amérique du Nord. En lien avec une transformation de la recherche et des disciplines qui voit l’histoire et les sciences humaines et sociales dialoguer et se féconder, cette histoire de la statistique s’est faite histoire sociale, sociohistoire ou sociopolitique de la statistique.

Ce contenu a été mis à jour le 5 novembre 2019 à 9 h 41 min.